Me Too

S'Aimer à la Folie

Parfois on n’a pas vu quelqu’un pendant 1 an et demi, et puis on fait un post sur elle, et puis paf, on la croise dans la rue! la vie la vie comme dit ma grand-mère!

Merci pour toutes vos réactions sur le dernier post Me Too. n’hésitez pas à aller voir les différents Edit ajoutés en fin d’article, en réponse aux évolutions de l’affaire.

J’aimerais aujourd’hui continuer, car je n’avais pas compris certaines choses « à l’époque ».

 

1. #metoo et #balancetonporc sont une déflagration, pas un projet de société

si la société avait permis aux femmes de ne pas subir autant d’agressions, d’être ensuite écoutées, respectées dans la rue, le taff, leurs droits, il n’y aurait pas eu cette explosion. nous n’aurions pas eu à nous exprimer de manière aussi violemment sur les RS. donc oui, il y a de la violence, mais comme le dit Baldwin (encore) « ah mais en plus, je n’ai même pas le droit d’être en colère?  »

je reste 400% #metoo, et non Madame Millet, toutes les femmes ne sont pas fortes après une aggressionmais cette déflagration doit maintenant se transformer en un projet de société car non, moi non plus je n’ai pas envie d’une société fondée ni sur l’angry-ism, ni sur le puristanisme. ni sur de la justice de rue ou de rs.

 

2. les puritaines en colère ne sont pas trop de la french touch

je me rends compte d’ailleurs que je ne voyais même pas de quoi on me parlait en évoquant le puritanisme. pour ceux et celles qui sont comme moi, c’est un conflit inhérent à la société américaine, puritaine ET manichéenne. c’est bien ou c’est mal, tu es d’un côté ou de l’autre. et puis c’est tout. Un ami pro-metoo, basé à NYC, me raconte les différences flagrantes qu’il voit entre le dialogue possible en France, avec les françaises comme les français, et cette impossibilité totale aux States : tu es d’un côté ou de l’autre. il n’y a pas de débat. il s’est fait accuser de « enabling the rape culture » en moins de 2 échanges. N’importons pas cette ultra-violence, et ce puritaine. au contraire, voyons les excès de certaines démarches (l’affaire Balthus et affaire Aziz Ansari) pour mieux nous en abstraire.

 

3. la bienveillance et la compassion permettent l’amour et non la guerre entre les sexes. 

le consentement et la compassion et la bienveillance ne sont pas des valeurs puritaines. le mouvement dans lequel je crois n’est pas anti hommes (putain mais j’adore les hommes), anti cul (putain mais j’adore le cul).

au contraire, le consentement et la compassion et la bienveillance sont les conditions de connexions profondes, véritables, intrinsèquement égalitaires, et où l’on peut aller plus loin dans l’amour.

en tout cas, si votre mec/pote/frère est pro-me-too mais émet tout de suite des réserves du fait de la colère, « du lynchage » etc etc, dîtes lui ça et ça détend tout de suite l’atmosphère ;p

vous pouvez même l’illustrer comme ça :  mon frère me parlait de couples un peu »expé » dans leur sexualité. et bien ils conviennent entre eux d’un mot, un « safe word« , ainsi ils peuvent explorer aussi loin qu’ils le veulent leur sexualité, si l’un d’entre eux ne se sent plus de continuer, il n’a qu’à prononcer le safe-word, et ils s’arrêtent. c’est parlant non?

si on revient à nos moutons, le texte de Laure Adler est très convainquant, ainsi que la vidéo à voir absolument de Leila Slimani.

 

"On ne naît pas porc, on le devient" Leïla Slimani – C Politique

"On ne naît pas porc, on le devient"Leïla Slimani répond à la tribune sur la "liberté d'importuner" dans #CPolitique▶ (Re)voir l'émission : http://bit.ly/2mvOkX5

Publié par C Politique sur dimanche 14 Janvier 2018

« Ce que je veux, c’est qu’on s’aime, c’est qu’on s’aime à la folie. mais dans l’égalité »

Grayson Perry disait que si nous voulions du changement chez les hommes, ils leur fallait une promesse qui les fasse bouger de leur position dominante. il avançait la promesse du bonheur intérieur, mais il y a aussi  l’AMOUR avec l’autre.

 

4. Petit Point sur la colère

Après les excuses de Brigitte Lahaie et Catherine Deneuve, j’ai vu des réactions de personnes toujours en colère, qui ne pardonnent pas et je comprends, surtout chez des personnes qui ont subi de lourds traumatismes, et je suis POUR qu’elles puissent l’exprimer.

Cela étant, j’aimerais beaucoup qu’on re-réfléchisse sur ce thème de la colère. Vous savez que la colère est un de mes sujets favoris, et là il y a quelque chose d’intéressant qui se dessine :

> il y a d’une part la colère à un instant T, qui est ressentie parce que quelqu’un a appuyé sur un bouton qui chez vous, chez moi ouvre une porte, la porte de votre, de ma propre colère.

> il y a ensuite à la colère en tant que mode relationnel.

Je n’ai pas de leçon à donner mais invite chacun.e à explorer cela. et dans les 2 cas, à s’autoriser à ressentir, à explorer, SA colère. car oui, on peut dire que l’autre a dit ci ou ça, que « c » ‘est inacceptable, qu' »on » vit une époque de merde etc. mais ça ne vous apprend rien sur VOUS.

Dans son bouquin PLAY FROM YOUR FUCKING HEART, Jerry appelle ça une AFGO, A Fucking Growth Opportunity. Alors, c’était quoi ce bouton? votre bouton? vous vous êtes senti.e insultée, trahie, l’idée que vous vous faisiez de ce mouvement, de ces personnes s’est écroulée? ah oui? intéressant? mais dans ce cas, n’est ce pas votre idée qui était fausse (j’avais écrit « fosse »)? votre envie de perfection? de faire bloc? qu’on vous donne tout de suite ce que vous demandez? etc. etc.

je vous laisse investir.

alors évidemment dans le 1er cas, c’est comme ça, la colère est là, on y va, on va comprendre et puis ça part (notamment parce qu’il y a aussi des excuses en face). entre temps, ça donne une énergie aussi. faut l’utiliser utilement : la colère sert à dire « STOP. basta, non, je ne veux pas que tu dépasses cette limite. » c’est donc très utile.

dans le 2e cas, c’est plus chiant. faut aller chercher plus loin. et je vous y invite parce que là c’est chiant pour les autres, mais surtout c’est dangereux… pour vous. allez y!

bon disons que ayé votre calme est revenu ET en plus vous avez appris un truc sur vous. passons la 2e

 

5. au coeur de l’Histoire

quand j’entends Slimani, ça me touche énormément. parce que oui on peut être vigilant.e, intelligent.e et même en colère, mais en outre, elle connait les arguments de la partie opposée, elle a étudié toutes les limites, elle connait sont sujet, et paf, elle propose, positivement, avec beaucoup d’amour.

et évidemment que c’est beaucoup plus fort, beaucoup plus efficace.

et donc pour tous.tes ceux et celles qui s’écrient « on vit une époque de merde », je comprends tout à fait, mais…. je ne suis pas d’accord du tout du tout. on est là au cœur de l’Histoire. après des milliers d’années de soumission, de domination. le féminisme ne pouvait pas transformer l’humanité du jour au lendemain avec une seule réponse. il y a des couches et des couches et couches de sédiments à déterrer et déconstruire. On a eu le droit de vote, puis la contraception, le droit à l’avortement. On a dit que Deneuve était une vioc, bah ça m’a touchée dans sa réponse dans Libé, quand elle raconte qu’elle a avorté alors que cela était illégal… d’où son combat pour la liberté. donc aujourd’hui, notamment grace à elle, nous sommes libérées, suffisamment même pour arriver à #metoo, parler, s’engueuler et revendiquer ce que nous désirons, notre part d’humanité.

et on arrive à une 3e vague.

et c’est passionnant! nous avons une société nouvelle à construire, c’est pas tous les jours. pour nous et nos enfants. et quand je dis nous, c’est femmes et hommes (indeed). allez allez allez.

 

6. le coeur pur?

il est important de se concentrer sur ce qui important. Si vous croyez en ce projet, ayez une action ou une parole qui vas aider ce projet à se développer. Ne vous laissez pas hypnotiser par les limites, les excès, même si oui, il faut aussi aller les explorer et mieux les définir.  Malgré toutes ces émotions, j’ai d’ailleurs de la gratitude car tous ces événements me font prendre conscience de mille choses, ils me renforcent dans mes convictions, et ma capacité à les partager.

Concentrez vous sur ce, votre projet. Et oui, entre 2 phases stables, ça remue,  c’est même la définition d’une crise. donc ça va être chahuté et ça va même durer encore un certain moment, ça va gueuler et c’est pas grave. ne soyez pas « anger-phobic ». je comprends qu’il y ait angoisse, mais concentrez vous sur ce qui est essentiel, on a besoin de tout le monde et de toutes les énergies, créatives et créatrices. je laisse la fin de la story ig qui vous a tant fait réagir.

love

 

 

Il y a 6 ans / Bouche 23 commentaire(s)

23 commentaire(s)

  • Hello Mai. Voir l’autre comme un malheureux malfaisant et donc comme un être qui n’a pas vécu et / ou qui ne se souvient plus de ce qu’est profondément et véritablement l’amour, nous amène à considérer les êtres et leurs actions avec plus de bienveillance et d’intelligence quand bien même ce n’est pas toujours possible. ( je pense à la chanson Nantes de Barbara ). Qu’est ce qui a fait que dans leurs parcours ils ou elles en sont arrivé.es là ? Ce n’est pas chercher d’exquises excuses ni des justifications mais un pas vers la compassion qui n’empeche pas bien au contraire, car il y a de saines colères, de lui remuer son cocotier, de lui enfumer son terrier.

    • hello edouard, je ne suis pas sure de comprendre. je ne vois personne comme “un malheureux malfaisant”. je pense que chacun.e doit être responsable et pris.e comme tel.le dans ses actions et paroles. je pense revanche que la compassion nous aide à nous comprendre, à nous accueillir dans nos différences, nos conneries (tout en disant STOP), à nous aimer plus. c’est ça?? bise et merci pour ton com!

      • « … Mais la haine ? Ce n’est que tristesse en plus, et non sur le coupable mais sur qui la ressent.
        À quoi bon ?…La miséricorde n’annule pas cette volonté mauvaise, ni renonce à la combattre :
        elle refuse de la partager, d’ajouter de la haine à sa haine, de l’égoïsme à son égoïsme, de la colère à sa violence. La miséricorde laisse la haine aux haineux, la méchanceté aux méchants, la rancune aux mauvais.
        Jankélévitch :  » Ils sont méchants, mais précisément pour cette raison il faut leur pardonner – car ils sont encore plus malheureux que méchants. Ou mieux c’est leur méchanceté elle-même qui est un malheur ; l’infini malheur d’être méchant ! « …Il n’y a ni bien ni mal, hors l’amour ou la haine que nous y mettons. » Extraits de Petit traité des grandes vertus d’André Comte Sponville.
        Un.e bien heureux.se malfaisant.e bien sûr est responsable ! La colère, je la comprends. la haine c’est encore autre chose, c’est de la colère qui s’est refroidie, qui s’est enkystée. Peut-être que cette citation répond à ta question sur ce que je nomme malheureux-malfaisant, la façon de voir de Lytta Basset qui a développé cette façon de voir et qui rejoint la mienne. Bise

          • Oui, d’accord avec toi. Dur à appliquer !
            Spinoza : » Ne pas railler, ne pas pleurer, ne pas détester, mais comprendre. »
            « Nous savons peu de choses, mais qu’il faille nous tenir au difficile, c’est là une certitude qui ne doit pas nous quitter. » Rainer Maria Rilke

  • Nommer l’affaire Aziz Anzari un excès, c’est vraiment fort de café. (Une agression sexuelle reconnue quand même)
    Je trouve votre passage sur la colère complexe.
    La colère est un mode d’action dans certains cas de militantismes, parce qu’il ne reste plus rien d’autre. Il serait bon de réfléchir à ca. Ca ne les rend pas plus problématiques ou quoique, c’est comme ça.

    On n’a pas a être heureux et bienveillants tout le temps, et envers tout le monde. C’est du tone-policing assez frustrant quand on se bat.

    • bah je crois qu’on est okay non? je suis pour la colère, notamment qd elle permet de faire avancer une cause. je pose juste la question de la limite d’un point de vue efficacité mais surtout intime. être en colère tout le temps est très dangereux pour soi. il n’y a pas de jugement dans ce que je dis et puis chacun.e fait aussi comme il.elle peut. j’ai une amie par ex, très investie dans le militantisme féministe. elle a été victime de viol à 12 ans. sa colère est la et sera peut être toujours la. c’est comme ca et elle la canalise comme elle peut pour la potentialiser dans son combat. et si je vais plus loin, sa colère à elle m’est utile à moi d’une certaine manière car elle ouvre des portes que je n’aurais pas osé ouvrir. on est toutes et tous différents. en revanche ce que je sais c’est que ça la rend parfois inaudible pour autrui mais surtout que ça la met elle en grand danger. et ça m’inquiète pour elle. pas pour moi. ou ses combats.

      qt a l’affaire aziz anzari, non l’agression sexuelle n’est pas si reconnue. https://amp.cnn.com/cnn/2018/01/17/opinions/lets-be-honest-about-aziz-ansari-brawley/index.html

      merci beaucoup pour ton com.

  • Merci pour ce post Maï, toujours aussi fin et bienveillant. Même constant pour ce qui est de toute forme d’engagement en fin de compte. De l’utilité et des limites de la colère, de l’utilité et des limites (parfois) du dialogue. Tout un (beau) programme!
    Sur l’affaire Aziz Anzari, des points de vue intéressants ici (en english): https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/jan/17/young-women-react-metoo-dating-female-writers-discuss-panel-aziz-ansari-cat-person?utm_source=esp&utm_medium=Email&utm_campaign=Opinion+UK+connected&utm_term=260823&subid=15374482&CMP=ema_opinionconnectuk

  • Écoute donc la voix si douce et précise de Marielle Macé qui parle de poésie et colère: https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/cartes-blanches-34-des-ecrivains-en-colere
    on y apprend que la colère nous informe sur ce à quoi on tient, on se met en colère quand ce à quoi on tient est tenu pour peu. Il y a des colères narcissiques (« j’ai été tenu pou peu! ») et il y a des colères qui se font la voix du fait que le monde a été blessé. Le merveilleux Pierre Pachet dit aussi que la colère « modifie le monde autour de celui qui est en colère », elle « cherche à se dire », elle « est donatrice de rythme ».

  • Sur l’affaire Aziz Ansari, elle est compliquée c’est vrai, elle touche à la notion de consentement et à la lecture qu’on est capable de faire du langage corporel non verbal et du langage verbal d’une personne pour savoir si on peut y aller ou pas.
    Les détracteurs de cette jeune femme disent « Après tout elle est venue jusqu’à son appartement, elle a joué le jeu puis a changé d’avis. A t-elle vraiment le droit de se plaindre, si ce n’est pour discréditer gratuitement une célébrité et flinguer sa carrière ?  »
    Et puis d’autre voix ce sont élevés pour dire que cela discréditait le mouvement #metoo, mais cet article donne une vision intéressante :
    https://www.vice.com/en_ca/article/bjy394/aziz-ansari-didnt-do-anything-illegal-but-thats-not-the-point

    • en fait je crois que le point essentiel est la connexion véritable à soi et à l’autre. entre ces 2 là on ne peut savoir exactement de quoi il en retourne (vu qu’ils n’étaient que tous les deux). dans la leçon de piano par ex, on voit cette ligne très fine se dessiner sur cette notion du consentement. en tout cas, on n’est pas dans un cas Weinstein. c’est la ou la foule ne peut pas décider sur les rs si c’est noir ou blanc. moi même en tout cas je n’en sais rien.

  • Je suis heureuse de voir que Catherine Deneuve est présenté ces excuses. ça a clairement calmé une partie de ma colère. Car pour le coup plus que la tribune j’étais surtout choqué d’y voir son nom me rappelant pourtant son implication pour défendre le droit à l’IVG.

    Maintenant ce que j’aimerais c’est de l’action surtout. A la fin de l’interview de Laure Adler, elle dit : « Quand je vois la mobilisation des femmes américaines, le discours d’Oprah Winfrey aux Golden Globes, la solidarité des actrices stars avec les anonymes, le fonds qu’elles ont monté (Time’s up) pour aider les plus défavorisées, qui ne peuvent pas parler et qui continuent à se faire agresser tous les jours sinon elles perdent leur boulot, je me dis que nos sœurs américaines nous donnent une leçon. Davantage que les pétitionnaires de ce texte. »

    Oui il est où notre Time’s up français ? Elle est où l’action concrète après toute cette libération de la parole. Et c’est là où ma colère remonte, une colère contre la France toujours trop attentisme à mon goût…

    PS : J’ai découvert une superbe newsletter, The Broadsheet, elle dresse les dernières nouvelles chaque jour autour des femmes dans le monde : http://fortune.com/newsletter/broadsheet/

    • merci! il y a une grande mobilisation je pense en france. ca passe encore par la parole. et le débat. mais faisons chacun qqchose déjà a notre niveau. aider les personnes victimes, aider la justice à mettre en place des infrastructures pour accueillir la parole et les femmes en général. si t’es drh, applique l’égalité des salaires. convaincre nos hommes et nos femmes. l’entourage est important. allez allez!

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